[OS] La fontaine

Dans le ciel d’un bleu turquoise éclatant, quelques nuages se promenaient paresseusement. Il faisait beau sans qu’il ne fasse chaud ni froid. La température était idéale pour une sortie comme aujourd’hui. Les flots d’eau fraiche et limpide qui s’écoulaient le long d’un mur en pierres donnaient presque envie de se baigner dans la petite piscine où ils se jetaient. Assise au bord de la fontaine, le bout de son index effleura la surface aux reflets argentés. La paix et le calme venaient peu à peu envahir son cœur meurtri. Lasse de tout et le moral au plus bas, elle avait quitté son domicile marchant sans but pour s’éloigner de tous les soucis de sa vie. Elle désirait simplement un peu de solitude, oublié tout comme si rien n’était arrivé. Ses pas l’avaient conduite ici, devant cette fontaine qu’elle n’avait jamais vue auparavant. La place était étrangement vide de personnes, seul le chant des oiseaux et le son de l’eau venaient briser le silence presque sacré qui s’y trouvait. C’était parfait, elle allait y rester un moment pour oublier la réalité.

Perdant toute notion de temps, elle entra dans sa bulle ne sachant plus depuis combien de temps elle était assise là, immobile, à observer la surface de l’eau. Soudainement une ombre se profila au dessus d’elle. Elle n’avait entendu personne venir, beaucoup trop plongée dans son monde. Elle leva les yeux contre son gré et vit un jeune homme qui devait avoir son âge où peut-être plus vieux. A vue d’œil il était plus grand qu’elle. Sa carrure n’était pas imposante mais il se dégageait de lui un charme certain que nul n’aurait pu réfuter.  De plus les traits de son visage étaient très finement dessinés, il était simplement beau. On aurait même dit qu’il était sorti d’une gravure de magazine de mode. Pour une raison inconnue, sa présence ne l’avait pas agacée. Au contraire elle était curieuse de savoir de qu’il lui voulait, si encore il était réel. Elle avait pu s’endormir là sans s’en rendre compte et être capturée dans un rêve. Le jeune home vint s’installer en face d’elle, un sourire rassurant sur ses lèvres.

- Je ne vous dérange pas ?

Même sa voix avait quelque chose de spécial, le rendant un peu plus parfait à ses yeux, trop pour être vrai. Elle hocha la tête de gauche à droite pour lui faire comprendre que non. Ses lèvres s’étaient scellées depuis le moment où elle avait quitté sa maison. Elle n’avait pas la force de dire un mot, sa voix se serait surement brisée au moment où ses lèvres auraient bougé. Elle se contenta donc de l’admirer en silence profitant de cette illusion qui ne durerait pas éternellement. Il resta assis là, muet, juste à l’observer également avec cet insondable sourire sur les lèvres. Le vent taquin venait jouer avec quelques mèches de ses cheveux.  D’où venait-il ? Pourquoi était-il là ? Pourquoi ne voulait-elle pas le voir partir ? Une soudaine pluie de pétales de fleurs blanches détourna momentanément son attention. Elle le sentit se lever à côté d’elle mais n’osa pas tourner la tête de peur de s’apercevoir qu’il avait disparu aussi vite qu’il était arrivé. Elle ferma les yeux le cœur battant, mais une légère caresse faite sur son bras l’obligea à les rouvrir. Il s’empara de sa main et la tira pour l’aider à se relever. Il lui tendit ensuite un petit rouleau de papier.

- Je passais par hasard, et vous avez attiré mon attention. Je n’ai pas pu m’empêcher de dessiner… Je sais que je n’en ai pas le droit sans votre autorisation, alors il est à vous. Vous pouvez en faire ce que bon semble mais je le trouve personnellement très beau.

La jeune fille déroula le bout de papier, et n’y vit que le portrait de son visage qui reflétait toute la tristesse de son cœur. Elle eut un petit sourire attendri, c’était la première fois qu’on la regardait réellement et qu’on s’intéressait à ce qu’elle ressentait.  Une larme roula malgré elle sur sa joue, et ouvrant doucement les lèvres elle réussit finalement à parler.

- J’en prendrai soin.

Il posa sa main sur son visage et de son pouce essuya la trace que la larme lui avait laissée.

- Vous avez l’air d’aller mieux. Je vais vous laisser alors. Mais si vous le souhaitez on peut aller marcher ensemble et je vous raccompagnerai chez vous.

S’écartant de quelques pas, il se mit dos à elle.

- Je comprendrais si vous voulez rester et que vous préfériez que je parte. J’espère simplement que j’aurai l’occasion de vous revoir juste de loin si le destin me le permet. Je ne viendrai plus vous déranger.

A ces mots, il s’avança lui laissant le libre-arbitre de rester à ses côtés ou de voir celui qu’elle prenait pour un rêve s’évaporer. Alors qu’il s’éloignait et qu’elle hésitait encore, elle prit tout ce qu’il lui resta de courage pour courir vers lui et lui prendre timidement sa main. Il resserra l’emprise et se tourna vers elle pour plonger son regard dans le sien. Ce qu’elle ne savait pas, c’était qu’à  cet instant son cœur battait aussi vite que le sien.